En préambule de notre test de Vampire The Masquerade Bloodlines 2, une petite mise en contexte s’impose. Compte tenu du fait que son développement a connu nombre d’embûches, les ambitions originelles de cette suite ont dû être grandement revues à la baisse. À commencer par une orientation le rapprochant plus d’un « Action-RPG narratif » que du pur « jeu de rôle » dans la peau d’un vampire et offrant une liberté à l’époque inégalée qui caractérisait son illustre grand-frère. Sa suite propose donc une expérience radicalement différente, qui risque de rebuter celles et ceux qui s’attendaient à retrouver une formule similaire. Elle pourrait en revanche davantage plaire à un public plus moderne. Pour autant, malgré de nombreux sacrifices, Vampire Bloodlines 2 présente indéniablement des qualités qui en font une adaptation vidéoludique compétente de l’univers du Monde des Ténèbres dont il s’inspire. Sur ces entrefaits, il est temps de réveiller le vampire qui sommeille en nous. 

Vampire Bloodlines 2 pour une double dose de crocs

Contrairement au premier jeu, Bloodlines 2 ne nous propose pas d’incarner un vampire fraîchement né, mais un ancien membre de la Famille de la Nuit, vieux de plusieurs siècles (homme ou femme), connu sous le pseudonyme du Nomade, originaire d’Europe. On le retrouve au début du jeu alors qu’il se réveille d’une torpeur de plus d’une centaine d’années, à Seattle, en pleine période de Noël. Un changement brutal de lieu et d’époque, dans lequel notre personnage n’a donc aucun repère. Pire encore, il porte sur lui une mystérieuse marque aux pouvoirs étranges et… un autre vampire résidant dans sa conscience, du nom de Fabien. 

Vampire Bloodlines 2 Phyre/Fabien
Une conscience vampirique, deux résidents au destin étroitement lié. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Dès lors, impossible de ne pas dresser un parallèle avec V et Johnny Silverhand dans Cyberpunk 2077. Et, comme le titre de CD Projekt RED, Vampire Bloodlines 2 va pleinement exploiter cette dualité de personnages pour nous raconter une histoire proprement trépidante, dans laquelle le destin du Nomade et de Fabien vont étroitement s’entremêler. Après un réveil particulièrement confusant, et un prologue nous apprenant de manière plutôt cohérente les commandes de base du jeu, notre vampire, qui va prendre le nom de Phyre, va donc devoir retrouver d’autres membres de la Famille, afin de comprendre ce qui lui est arrivé. 

Vampire Bloodlines 2 Réveil Phyre Seattle
La nuit de Seattle nous tend les bras, avec ses nombreux mystères et dangers. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Ce faisant, nous allons en sa compagnie rencontrer tout un tas de personnages tous plus intrigants que les autres, et se retrouver mêlé à l'inévitable échiquier politique teinté d’occulte inhérent à la société des vampires. L’histoire de Bloodlines 2 s’avère ainsi légitimement prenante et retranscrit très fidèlement l’ambiance de l’univers du Monde des Ténèbres et du jeu de rôle Vampire La Mascarade. À noter que quelques connaissances préliminaires de la franchise sont préférables pour mieux saisir les tenants et aboutissants de la narration et du lore du jeu. Notre quête de vérité, couplée aux intrigues politiques de nos interlocuteurs, va quoi qu’il en soit nous emmener dans une aventure franchement passionnante, bourrée de plot-twists et de révélations globalement bien ficelés. Le tout est porté par une écriture de solide facture, et aussi un casting vocal de haute volée, hélas uniquement en anglais, au grand dam des anglophobes. Ils devront alors compter sur les sous-titres, heureusement disponibles en français.

Vampire Bloodlines 2 Dialogue Décisions
L'aspect narratif du titre est clairement l'une de ses plus grandes forces, au détriment de l'ambiance « jeu de rôle » du premier Bloodlines. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Ceci étant dit, une narration aussi réussie s’accompagne de quelques écueils. Malgré quelques choix de dialogue pouvant impacter (parfois assez radicalement tout de même) le scénario, l’ensemble de notre progression se veut très dirigiste. Vampire Bloodlines 2 perd ainsi l’énorme liberté qu’offrait son aîné. En outre, l’aspect purement « jeu de rôle » iconique du premier volet est ici largement relégué au second plan. Cela s’illustre d’ailleurs directement au début du jeu, alors que nous devons faire le choix difficile d’un des six clans (ou « classes » pour les profanes) à la disposition de notre personnage. Un tel choix implique cependant des pouvoirs ayant surtout un intérêt durant les phases d’action, mais qui n’auront quasiment aucun impact durant nos pérégrinations nocturnes à Seattle. Même constat dans les dialogues, à l’exception de quelques lignes servant surtout à poser un peu de contexte narratif. 

Deux vampires, deux ambiances sang pour sang différentes

En parlant de phases d’action, intéressons-nous maintenant à l’autre pan majeur de Vampire Bloodlines 2 : son gameplay. Comme notre duo de personnages, nous avons également un dédoublement d’identité sur ce terrain, même si tout se passe exclusivement en vue à la première personne. D’un côté, on a donc Phyre, le Nomade qui provient de l’un des six clans choisis au début du jeu. De l’autre, on a Fabien, un vampire travaillant pour la police de Seattle en qualité de détective. Celui-ci a toutefois un clan imposé : celui des Malkaviens. Pour les profanes, il s’agit d’une famille de vampires qui a la triste réputation d’être un brin fêlée sur les bords, notamment en raison de puissants pouvoirs mentaux pouvant sévèrement affecter leur psyché. 

Commençons d’abord par le gameplay de Phyre, qui nous occupera la majeure partie du temps sur Vampire Bloodlines 2. Compte tenu de son statut de vampire ancien, il s’agit d’un être d’une puissance extrêmement rare dans le présent du Monde des Ténèbres. Et le jeu nous le fait comprendre d’une manière franchement réussie. Le Nomade se déplace à une vitesse surhumaine, donne des coups d’une violence satisfaisante, peut esquiver les attaques avec vivacité, utiliser la télékinésie pour attirer les ennemis à lui ou utiliser leurs armes contre eux, et surtout dispose de nombreux pouvoirs, tant provenant de son clan que d’autres, qu’on pourra apprendre au fil de notre progression. Le constat est plutôt simple : rarement un jeu nous a fait ressentir de manière aussi grisante la pleine puissance d’un vampire.

Vampire Bloodlines 2 Combat Puissance
Phyre est une belle représentation de la véritable puissance d'un vampire. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Les phases de gameplay avec Phyre se divisent grossièrement en deux parties : infiltration et combat. Dans les deux cas, il pourra utiliser son agilité surhumaine et ses nombreux pouvoirs pour prendre l'ascendant sur ses adversaires, les éviscérer avec des animations délicieusement bourrines, ou alors les vider sauvagement de leur sang pour récupérer de la santé et recharger ses compétences. Celles-ci se divisent en quatre catégories : Frappe, Transfert, Affect et Esquive. Il ne sera possible de choisir qu’un pouvoir de chaque clan par catégorie, qui demandent un certain nombre de points pour les employer. Afin de les réutiliser, il faudra alors boire le sang de ses adversaires ou d’innocents dans les rues de Seattle. Autrement, on trouvera régulièrement des potions pour nous soigner, récupérer des points pour nos compétences, augmenter les dégâts infligés, ou encore la résistance aux attaques adverses. Clairement, Vampire Bloodlines 2 propose donc ici une formule Action-RPG assez classique, mais qui adapte habilement les codes de Vampire La Mascarade pour offrir un gameplay rendant bien hommage à ces célèbres créatures nocturnes. Cela est surtout remarquable dans les combats de boss contre d’autres puissants vampires. Ces affrontements prennent alors la forme de duels épiques qui ponctuent avec une certaine maîtrise divers moments forts de l’histoire.

Vampire Bloodlines 2 Combat Boss
Les combats de boss savent également assurer le spectacle. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Après avoir réalisé un certain nombre de tâches et quêtes avec Phyre, celui-ci devra aller se « coucher », avant que le soleil se lève et le transforme en petit tas de cendres. C’est alors que l’on passe aux phases de gameplay de son colocataire mental, Fabien. Avec lui, on change radicalement de dynamique, car il ne participe jamais à un seul combat. En sa qualité de détective, il va en lieu et place mener des investigations pour servir d’autres vampires, et aussi poursuivre une enquête personnelle étroitement liée à son passé et son destin présent avec le Nomade. Vampire Bloodlines 2 permet ainsi de manière plutôt habile de diversifier son gameplay et éviter qu’incarner l’un ou l’autre personnage devienne à la longue redondant, pour les retrouver chacun plus tard avec un certain plaisir.

Fabien est donc un détective assez unique en son genre, du fait de la folie inhérente aux Malkaviens, mais aussi grâce à des pouvoirs bien pratiques. Il peut en effet tromper son interlocuteur en se faisant passer pour un ami à lui, lui trafiquer la mémoire, lire dans ses pensées, ou encore parler à des objets inanimés. Cela donne alors lieu à des dialogues proprement ubuesques, qui apportent un humour bien amené au milieu des sombres manigances propres à la société vampirique. Même si ces phases d’enquête s’avèrent relativement simples et ne posent pas vraiment de casse-tête insurmontable, l’ensemble profite encore d’une écriture de solide facture pour nous emporter de manière prenante dans cette partie très typée Film Noir du gameplay de Vampire Bloodlines 2. Qu’il s’agisse d’incarner Phyre ou Fabien, on ressort donc avec une expérience globalement satisfaisante sur cet aspect central du titre de The Chinese Room. Ce en dépit de la perte de l’aspect « jeu de rôle » et du côté fatalement très dirigiste qui en résulte. 

Vampire Bloodlines Pouvoirs Enquête Fabien
Dans un autre registre, Fabien taille une bavette avec un casier... © Geralt de Reeves pour Gameblog

Seattle by Night, ou une Mascarade de « monde ouvert »

Entre les phases d’action/infiltration « couloirs » avec Phyre et les enquêtes de Fabien, Vampire Bloodlines 2 nous propose de déambuler dans Seattle, qui prend la forme d’un ersatz de monde ouvert. Le constat est cependant bien moins reluisant sur ce point. La zone de jeu est en effet ridiculement petite, et il n’y a pour ainsi dire quasiment rien à faire à part aller d’un point A vers un point B pour progresser dans nos quêtes principales. 

Vampire Bloodlines 2 Carte Monde Ouvert
Le « monde ouvert de Seattle » fait pour le moins... pâle figure face à la concurrence. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Les rares activités annexes disponibles dans Bloodlines 2 sont en effet totalement anecdotiques car elles prennent la forme de simples quêtes « Fedex » pour donner un coup de main à nos amis vampires. Il existe également trois types de « collectables » : des tags à effacer, des caméras à détruire et des artefacts à récupérer. Sauf que ceux-ci sont parfaitement inutiles, et sont surtout là pour nous donner « quelque chose à faire » entre deux missions. Ceci étant dit, se déplacer à travers la ville dans la peau de Phyre s’avère plutôt plaisant. Il peut en effet courir et grimper sur les toits à toute vitesse, et planer dans les airs. Sans parler d’un système de déplacement aussi grisant que dans un Marvel’s Spider Man, on a encore ici de bonnes sensations aux commandes du Nomade. Avec Fabien, c’est une autre histoire : au lieu de fendre les nuits de Seattle avec classe et agilité, nous allons seulement « accélérer le temps ». Un moyen de locomotion clairement moins sensationnel qu’avec Phyre, par lequel on va malheureusement devoir passer très (trop) souvent pour avancer dans sa propre histoire. 

Il reste enfin une dernière activité assez sympathique à réaliser au sein de Seattle… du moins au début : trouver des innocents et boire leur sang. Il existe à ce propos trois types de sang à collecter : violent, mélancolique et fébrile. Pour débloquer les pouvoirs d’autres clans, il faudra donc amasser une quantité donnée de chaque catégorie de sang, et aller donner le tout à un des représentants des clans disséminés à travers Seattle. Les premières fois, il est plutôt satisfaisant d’être dans la peau du chasseur vampirique essayant d’attraper une proie isolée. À la longue, chasser le « bétail humain » devient cependant franchement rébarbatif. Ce d’autant qu’il faut impérativement éviter de se faire voir en pleine action, au risque de briser la fameuse Mascarade, la règle cardinale de la société des vampires pour rester dans l’anonymat et ne pas se mettre l’humanité à dos. Dans Vampire Bloodlines 2, cela prend la forme bête et méchante d’un « indice de police à la GTA », avec lequel il faudra donc composer pour sucer ses victimes en paix. 

Vampire Bloodlines 2 Suçage
L'activité de se nourrir est plutôt amusante au début, mais devient assez redondante à la longue. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Entre la progression dans l’histoire principale et l’exploration du « monde ouvert » de Seattle, le jeu va ainsi nous occuper une bonne vingtaine d’heures pour en voir le maximum. Ceci étant dit, le titre offre une certaine rejouabilité grâce aux différents choix majeurs à faire au fil de l’aventure, ou encore avec un Phyre issu d’un autre clan, ce qui peut ouvrir d’autres portes narratives.

Malgré un aspect monde ouvert qui fleure bon la case cochée sans grande conviction pour respecter un cahier des charges, Vampire Bloodlines 2 affiche mine de rien une belle identité visuelle. Les nuits de Seattle ne sont franchement pas vilaines à regarder, mais c’est surtout dans les zones cloisonnées des chapitres principaux de l’histoire que le titre affiche le mieux sa jolie plastique portée par l’Unreal Engine 5. Une fois encore, l’ambiance Vampire La Mascarade est clairement palpable, ce qui est définitivement à son avantage. En revanche, le titre pèche par une technique parfois en dents-de-scie (ou crocs-de-scie ?). Même sur un PC équipé d’une RTX 4080 SUPER, d’un Ryzen 7 7800X3D et de 32 Go de RAM, on a relevé quelques chutes du taux d’image par seconde. On peut également pester contre plusieurs crashes intempestifs, et surtout le support incomplet du format AZERTY au clavier, notamment pour utiliser les pouvoirs. Il est alors obligatoire de passer en QWERTY, ou de jouer à la manette. 

Vampire Bloodlines 2 Graphismes
Malgré quelques couacs techniques et un univers forcément uniquement de nuit, le jeu propose de plutôt jolis panoramas. © Geralt de Reeves pour Gameblog